Ils valorisent leurs veaux mâles en bio
Alors que 80 % des mâles laitiers bio partent en conventionnel, il est désormais possible de les valoriser en filière bio, les besoins des abattoirs sont importants. En Pays de la Loire, certains éleveurs s’organisent dans le cadre d’un projet nommé Valomale bio. La démarche est avant tout éthique, mais chacun y trouve son compte.
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Des bœufs pour compenser la période sans revenu laitier
Au départ, il voulait simplifier l’organisation de son travail. Moins traire et même parfois ne plus traire du tout. Sur sa ferme de Rochefort-sur-Loire (Maine-et-Loire), Cyril Besnard décide il y a trois ans de regrouper tous ses vêlages au printemps afin d’avoir deux mois sans traite dans l'année et passer en monotraite de septembre à février. Comment compenser l’absence de revenu pendant ces deux mois sans production laitière ? En vendant des bœufs !
Il se lance donc, en croisant ses laitières avec un taureau Angus. Pour le renouvellement, il achète à l’extérieur. Il garde les trente premiers veaux, mâles ou femelles, les autres partent à quinze jours en circuit conventionnel. « Les veaux que je garde passent au seau jusqu’à trois mois, puis ils sont au foin et à la farine, et en juillet ils sortent au pré, l’hiver seuls les plus petits repassent en bâtiment », détaille l’éleveur. Le système est extensif, l’engraissement est tout à l’herbe, économe. Ses animaux croisés valorisent bien le fourrage grossier. Les premières ventes sont prévues en janvier prochain.
Garder des veaux croisés pour valoriser les prairies éloignées
À 25 km de là, à Chemillé-en-Anjou, Julien Gaultier croise ses vaches laitières avec un taureau limousin depuis cinq ou six ans. Sur ses 75 vêlages, tous groupés à l’automne, les 15 premiers veaux, mâles ou femelles, sont gardés pour être engraissés et valorisés en bio. Il les met sous des mères nourrices (les mâles sont castrés à huit jours) puis les sèvre à 5 mois. Ils sont ensuite au pâturage, toute l’année et jusqu’à 30 mois pour atteindre jusqu'à 400 kg max.
L’intérêt de cette démarche était de valoriser des prairies naturelles un peu éloignées. « On ne fauche plus, cela permet de consommer moins de fioul et on s’aperçoit que cela enrichit les sols, les rendements des prairies sont bien meilleurs », argumente Julien Gaultier. C’est surtout moins de travail de tracteur. Et d’ailleurs cette année ce n’est pas 15 veaux qu’il a gardés, mais 30. Il veut accélérer.
Des veaux à 500 € au sevrage pour les revendre 1 300 € finis
À 70 km au nord, à mi-chemin entre Angers et Rennes, c’est encore la volonté de simplifier le travail qui a conduit Erik Hulsman à faire de l’engraissement. Cet éleveur de vaches allaitantes à Bouillé-Ménard ne voulait plus faire de vêlages, alors il est allé voir son voisin laitier James Hogan, lui aussi en bio. Aujourd’hui, les deux coopèrent : l’éleveur laitier croise ses vaches avec de l’Angus, il garde ses veaux, mâles et femelles pendant trois mois sous des vaches nourrices puis les vend à son voisin à 150 kg pour 500 € environ. C’est lui qui se charge de la castration.
S’il sèvre si tôt, c’est parce que les vaches nourrices doivent rapidement retourner en salle de traite. « Le lait est payé plus de 600 € en ce moment, il vaut mieux traire les vaches », justifie-t-il. Une fois arrivés sur la ferme d’Erik Hulsman, tous ces veaux pâturent hiver comme été jusqu’à ce qu’ils pèsent 500 kg, c’est-à-dire environ 24 mois. « Ce sont des petits animaux, cela s’engraisse assez facilement à l’herbe, plus facilement que les Limousines que j’avais avant », observe l’éleveur qui expérimente le pâturage régénératif.
Et s'il vient à manquer d’herbe en hiver, il déroule un peu de foin dans le champ. Les bœufs une fois finis sont vendus autour de 1 300 € – 1 400 €, soit 5,40 €/kg, un petit plus cher qu’en conventionnel. James Hoban, lui, est bien content que tous ses veaux soient pris pour être engraissés à côté. « Avant quand on montait les veaux dans le camion, ils ne valaient rien, on savait qu’ils allaient se prendre un coup de masse en arrivant » se désole l’éleveur laitier.
Des raisons éthiques avant tout
En Mayenne, à la Bazouge-de-Chémeré, non loin de Laval, Germain Gougeon rachète les veaux croisés d’éleveurs laitiers à 15 jours. C’est lui qui prend en charge la phase lactée, jusqu’au sevrage à six mois. Puis il les engraisse à l’herbe. « Finir des bœufs croisés à l’herbe c’est beaucoup plus simple que des Charolais », glisse l’éleveur.
Aujourd'hui, la moitié des animaux qu’il engraisse sont issus de troupeaux laitiers. « Pour l’éleveur laitier cela ne change rien, on lui achète ses veaux au prix du marché. » Comme les autres, Germain Gougeon s’est lancé dans cette démarche avant tout pour des raisons éthiques (« c’est un non-sens de laisser partir les mâles en broutards en conventionnel pour l’export »). Mais il y trouve son compte : « C’est plus de travail durant la phase lactée, mais mon produit viande a plutôt augmenté ».
Des prix plus hauts qu’en conventionnel
Le contexte économique a pourtant bien changé depuis deux ans. Un veau Holstein de 15 jours qui ne valait qu’une soixantaine d’euros en conventionnel s’écoule désormais à 200 € voire 250 €. Un broutard charolais vaut désormais autour de 5 €/kg, du jamais vu. « Les départs en retraite massifs d’éleveurs, ajoutés à la décapitalisation et aux arrêts du bio, font qu’il y a de moins en moins d’animaux sur le marché, explique Tryphina Durel, responsable filière veaux bio à la plateforme de commercialisation Unebio. La concurrence est absolument féroce. »
En bio, on essaie de toujours payer plus qu'en conventionnel.
8 mâles laitiers sur 10 seraient valorisés en conventionnel aujourd’hui et 6 sur 10 chez les allaitants. Unebio a un grand besoin de carcasses, et notamment d’animaux croisés car le besoin se concentre sur le steak haché. Il y a donc de la place pour les animaux issus de troupeaux laitiers, et la demande ne devrait pas fléchir. Unebio commercialise 500 bêtes par semaine, un volume qui malgré la demande soutenue de l’aval a diminué ces dernières années par manque de matière disponible. « On est en capacité de répondre à toutes les demandes des éleveurs », insiste Tryphina Durel. Quant aux prix, « on a fait le choix de ne plus jamais être en-dessous du conventionnel, on essaie de payer toujours un petit peu plus », promet-elle.
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